Millefeuilles

Derrière la porte

 

Derrière la porte, je vis sa présence.

Cela commence toujours pareil, un petit souffle passe en dessous, l’air devient plus léger, plus pur. Je me sens bien et fébrile à la fois.

Je perçois ses mouvements, même les plus furtifs, une odeur de brume marine l’accompagne subtilement.

Elle est sortie de son cadre habituel et s’est installée dans mon salon, plus précisément à la fenêtre. Je ne sais plus vraiment comment et depuis quand.

Elle s’est posée là et s’y trouve bien.

Je l’imagine dans mon intérieur, accoudée à la fenêtre, le regard vers l’extérieur. Tout chez elle respire langueur douceur et lenteur.

Je sais qu’elle me tourne le dos et que je ne verrai jamais l’expression de ce regard.

Je sens le lent mouvement de ses courbes, celui de sa robe, la douceur de sa coiffure méticuleusement nattée.

Elle me parle souvent d’une voix un peu sourde.

Elle me raconte l’infiniment bleu de cette mer que je ne connaitrai jamais.

Elle me parle aussi du temps qui passe lentement, à portée de main que l’on peut saisir et ralentir.

Elle m’incite à regarder défiler la vie en spectatrice, sans se laisser dévorer par les émotions.

Elle affirme qu’on est toujours beau et aimable pour quelqu’un.

J’écoute ,assise par terre, immobile et silencieuse, je ne veux pas que ça s’arrête.

Elle ne m’a jamais rien demandé mais je sais que je ne dois pas ouvrir la porte pour ne pas rompre l’enchantement.

Pourtant j’aimerais en demander plus, j’aimerais aussi la secouer, elle est si paisible. Je donnerais beaucoup pour qu’elle m’écoute aussi. J’ai tellement de questions à poser.

Mais j’attends, elle m’a appris au moins cela, me taire et écouter.

Quand le silence se fait dans la maison, je pousse enfin la porte. Elle est repartie dans son cadre initial, en haut des étagères. Elle me tourne le dos bien sûr, figée dans son léger déhanché ceint d’un ruban bleu et demeure cette « muchacha » pour longtemps à la « ventana ».

Elle a laissée la fenêtre entre ouverte ; c’est sa signature.

Et moi, chaque jour, chaque nuit, j’épie le moindre signe d’un souffle de vie qui m’attire et m’échappe à la fois ; tout près d’ici, juste derrière la porte.



22/10/2012
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